Les Amants de Juliette & Majid Bekkas Revue de Presse |
Quand les jazzmen se mesurent aux musiciens «traditionnels» du Maghreb, ils prennent le risque de vite s'épuiser face aux percussionnistes imperturbables et soufflants experts en respiration circulaire. Quant aux mystérieux méandres des métriques orientales, difficile d'y trouver des repères... Archie Shepp en a sûrement quelques souvenirs... Les Amants de Juliette (Serge Adam, tp, Benoît Delbecq, p, Philippe Foch, perc) ont semble-t-il réussi à éviter ces écueils en invitant le Marocain Majid Bekkas, maître (maallem) gnawa du oud (le luth oriental, sans frettes) et du guembri (le petit luth à trois cordes des montagnes de l'Atlas). En effet, ces deux instruments n'ignorent pas la valeur des silences et se prêtent aisément à une pratique mesurée (selon notre sens occidental) des rythmes orientaux les plus difficiles d'accès. C'est d'autant plus remarquable, car la musique des Gnawas, qui est avant tout (en dehors de ses représentations touristiques sur la place Jaama El Fna), une musique de transe, aux nombreuses vertus thérapeutiques, a la particularité de résister à toute tentative d'amalgame, y compris avec les musiques des autres confréries présentes au Maroc. Pari gagné pour Les Amants de Juliette qui ont su construire des passerelles interculturelles louables, tout en laissant toute son originalité à la musique des Gnawas. Daniel Chauvet |
Mai 2017 |
Avril 2011 |
Une musique rencontre, entre jazz innovant et gnawa envoutant. Où l’un ne forcerait pas l’autre à abandonner son identité, mais la ferait sienne pour profiter de l’instant présent et s’adonner au plaisir créatif. Promesse aussi de journées qui chantent, Les Amants de Juliette sont trois : Serge Adam, Benoît Delbecq et Philippe Foch. Amoureux de l’instantané, leur union s’est produite en live, en novembre 2007. Elle se concrétise aujourd’hui seulement, mais ça valait la peine d’attendre. Piano, tablas, oud vibrent à l’unisson dans un enregistrement percutant et pétri de reliefs. L’atmosphère n’est pas au recueillement, un groove tranquille parcourt même nombre de morceaux. « Chalaba » accélère ainsi la transe, les percussions menant la danse rejoints par la trompette. Envoûtant et musical tout à la fois, ce disque adorera les meilleurs ensembles hi-fi mais lancera aussi la fête partout où il se jouera. Vincent Michaud |
Il est possible de faire de la musique privée de sentiment amical et même ainsi d'élaborer ce que l'esprit bourgeois nomme "chef d'oeuvre", mais il ne sera jamais possible de faire de la musique fertile sans amitié. Les Amants de Juliette personnifient ce généreux soupçon, c'est même comme si chacune de leurs apparitions, chacun de leurs enregistrements, était la marque de cette idée ; non, pas de cette idée, de cette réalité (la réalité de l'art n'est pas une idée, l'idée de l'art n'est pas une réalité, l'art de la réalité n'est pas une idée, l'art n'est pas, mais nous sommes). Les Amants de Juliette sont bien du côté du réel à moins que le réel ne soit qu'une simple projection de ceux qui sont eux-mêmes le réel, ce qui revient au même. Serge Adam, Benoît Delbecq et Philippe Foch sont les Amants de Juliette et ces Amants AIMENT, c'est leur confiance, leur lieu de confluence, leur lien de rendez-vous, pour tous. La musique du trio gravite autour d'un élément central : cette exaltante alliance qui provoque les plus aimables, les plus tangibles soulèvements. La rencontre des trois amis avec le guembriste Majid Bekkas (aussi joueur d'oud) introduit la vivacité complète de cette amitié qui nous précipite dans la meilleure tradition des conteurs proches (proches du peuple, proches de nous, les conteurs sont nous). Majid Bekkas fit avec Xavier Matthyssens les beaux jours du festival de Rabat qu'ils organisaient ensemble, une belle histoire d'amitié. Xavier est parti, Majid joue maintenant avec ses amis. Le second thème, signé Benoît Delbecq, "Xaavicenz", une dédicace à Xavier, nous transmet son meilleur souvenir. Ensemble les quatre compères jouent ce commun présent qui nous fait passer doucement, avec une délicate sérénité, vers les plus beaux espoirs. Jean Rochard |
April 2010 |
"Les Amants de Juliette" is one of the most lightfooted and joyful small free jazz outfits coming from France, with Serge Adam on trumpet, Benoît Delbecq on piano, and Philippe Foch on tabla and percussion. The three musicians are excellent and have given me many hours of musical joy with their previous albums. Their music is open-textured, but very accessible and intimate. In November 2007, they invited Moroccan musician Majid Bekkas for this nice concert. Bekkas plays oud and percussion, and sings once in a while. This forces the band to move even more into world jazz territory, adapting scales and meeting Bekkas halfway without relinquishing their fresh approach. The album is pleasant throughout (with the exception of "Shyness Is Beautiful", a spoken word piece, and we all know I don't like this), and although it is not really breaking new ground, the end result is again a nice piece of music, like a bowl of fresh salad. |
Nouveauté – “Depuis qu’elles se sont réunies en 1993 les trois têtes chercheuses des amants de Juliette, empruntant leurs outils et leurs références à tous les continents musicaux, n’en finissent pas d’affiner leur poétique nomade et futuriste, prolongeant à leur manière le projet résolument multiculturel de Don Cherry. Auparavant le groupe développait son petit univers imaginaire fantasque sur une sorte d’ « extraterritorialité » assumée, inventant une musique de voyageurs, particulièrement habile dans l’art de capter des sensations, des humérus et de recycler formes, figures et sonorités pour en revivifier la poésie dans une sorte de « dépaysement » qui parvenait à éviter tous les pièges de l’exotisme. En intégrant à l’équilibre fragile de l’orchestre la forte personnalité du musicien marocain Majid Bekkas, ce nouveau projet change incontestablement la donne. Si l’on retrouve bien la trompette elliptique, à la fois vocale, rugueuse et mobile de Serge Adam pulsée par les groove enchanté du piano préparé de Delbecq entremêlés aux délicats écheveaux polyrythmiques des tablas de Philippe Foch, les structures formelles propres à la musique de transe de la tradition gnawie tendent à recentrer le discours vers des formes traditionnelles plus établies et en quelque sorte plus convenues. On ne saurait dire finalement si la musique des amants de Juliette perd véritablement au change. une certaine « poésie de l’ailleurs » propre aux territoires imaginaires singuliers que le groupe aime habituellement arpenter s’estompe certes derrière la puissance ryhtmique des tourneries mystiques et l’âpre poésie de la tradition arabe, mais la façon dont les trois musiciens intègrent ce « corps étranger » pour redéfinir les équilibres orchestraux et métamorphoser leur langage est proprement fascinant”.
Stéphane Ollivier |
Février 2011 |