MONIOMANIA
Princesse Fragile
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Deux ans quils écument tous les lieux alternatifs de la
capitale et dautres contrées bien famées. La musique
du sextette de Christophe Monniot sort enfin au grand jour. Un bazar
hétéroclite qui a dû laisser perplexe nombre de
producteurs familiers de formats plus conventionnels. Non que linstrumentation
étonne (trombone, sax, violoncelle, guitare, claviers, percussions),
encore quils samusent tous à brouiller les pistes
: le saxophone délaissé pour le violon ou un cornet ;
la batterie pour un porte-voix ; le piano pour des séquences
improbables
Cest davantage le rassemblement de joyeux sauvageons
qui décape (Ornette Coleman, comme Desafinado ou un Twist
)
: les compagnons de virées noctambules de Monniot, le «
batleur » Denis Charolles son complice de la Campagnie
des Musiques à Ouîr , le guitariste Manu Codjia,
le pianiste Emil Spanyi, le violoncelliste Atshushi Sakaî et au
trombone, soit Georgui Kornazov, soit Daniel Zimmermann. Pour une large
part, ses condisciples du Conservatoire, un CNSM décidément
lieu déclosion et de non-standardisation. « Princesse
Fragile » présente douze moments de la vie du sextette,
pris en studio et plus souvent en concert, entre juin 2000 et décembre
2001. Indisciplinée, impatiente, impolie, la musique y bruit
de mille flammèches. Vivante, vibrante, vivifiante, incorrigiblement
zappeuse. Une fraîcheur turbulente et « zézayant
». Un geste discographique,, un bras dhonneur aux conventions
du raisonnable : il y a là comme une philosophie de la musique,
la vie qui sesclaffe.
Alex Dutilh
1CD Quoi de Neuf Docteur DOC 064 Distribué par Night &Day.Prix
indicatif non communiqué
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MONIOMANIA
Princesse Fragile
Parmi les musiciens, aptes à régénérer la
scène du jazz et des musiques improvisées en France, le
saxophoniste Christophe Monniot occupe depuis quelques temps une place
de choix. En particulier avec son sextet Moniomania, dans une parenté
improbable avec les superpositions rythmiques, mélodiques et
la capacité à accaparer les genres explorés par
Frank Zappa. Lécriture de Monniot est faite de rebondissements
et de fausses pistes qui appellent la virtuosité dinterprétation.
Ce qui ne se révèle ni étouffant pour les musiciens
le batteur et « bruitiste » Denis Charolles, le pianiste
Emil Spanyi font des merveilles ni conçu pour simplement
épater. Sans se perdre, Moniomania va dans tous les sens en un
ensemble idéalement ludique et vif.
Sylvain Siclier
1 CD Quoi de Neuf Docteur / Night & Day |
CD Quoi de Neuf
Docteur DOC 064 DDD Distr. Night & Day
Christophe Monniot, saxophoniste,
est un des plus intéressants musiciens sortis de la classe de
jazz du Conservatoire national de Paris. Daniel Humair la fait
connaître dans son Baby Boom, en même temps que le
guitariste Manu Codjia. Ces deux jeunes virtuoses se retrouvent
avec Denis Charolles aux percussions, Emil Spanyi aux claviers, Atshushi
Sakai au violoncelle, les trombonistes Gueorgui Kornazov et Daniel Zimmermann
dans le bien nommé Moniomania.
Si on ne savait rien de Frank Zappa, on aurait le sentiment davoir
affaire, avec Princesse Fragile, à un disque renversant.
Cette influence reconnue (avec quelques autres, dont Dutilleux et Stravinsky,
Lubat et Ornette Coleman), on nen reste pas moins étonné
par ce déferlement de poésie humoristique, qui donne à
cette musique des allures de BD.
Ainsi, dans Promenade du rat musqué, qui sapparente
à de la musique descriptive, on croit voir un trombone poursuivi
par des insectes. Mais larrivée joyeuse des saxophones
change tout, on danse la gigue (souvenir de Carla Bley) et la guitare
lance des glissades pour ouvrir sur un solo de piano trépidant.
Seul, au final, Drame en baisse II se décide à
séduire par la simple beauté du son.
Michel Contat
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MONIOMANIA
Princesse Fragile (Quoi de Neuf
Docteur ? DOC 064 / Night & Day)
Dans les chorales catho il y avait jadis, omniprésents, des «
Enfants de Marie » ! En ce début de XXIème siècle
ce sont des « Enfants de Jeanneau » quon rencontre
dans beaucoup de concerts et denregistrements de jazz «
vif »
François Jeanneau, professeur titulaire, jusquà
lannée dernière, de la classe jazz au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris, a formé toute
une génération de musiciens surprenants. Instrumentistes
de haut vol ; Solistes brillants, véloces et tous terrains. Compositeurs
originaux. Ouverts. Créatifs. Iconoclastes et turbulents parfois.
Plusieurs de ces jeunes gens (Manu Codjia joue actuellement dans plus
dune dizaine de formations !, Emil Spanyi, Hongrois de Paris est
un maître de linformatique musicale
) forment le noyau
dur de ce Moniomania (groupe à ne surtout pas confondre, même
si certains sont communs, avec la Compagnie des Musiques à Ouir)
: un mélange étonnant de rigueur et de folie, de sophistication
et de liberté. Climats variés : dHendrix au hard-bop
en passant par lélectronique, le funk, les délires
free (toujours « under control ») et bien dautres
choses. Le tout insolite, renversant, riche (parfois trop
). Vitalité,
joie de jouer : le premier cd de Moniomania est jubilatoire.
Pierre-Henri
Ardonceau |
Anatomie
d'un disque de et avec Christophe
Monniot
Rencontre le 02 mai avec le saxophoniste Christophe Monniot à
l'occasion de la sortie du disque du groupe Moniomania, « Princesse
fragile ».
Moniomania
existe depuis trois ans. Il est né au CNSM ( Conservatoire national
supérieur de musique de Paris). J'y ai rencontré des gens
qui n'étaient pas forcément les plus proches de moi.
C'est une espèce d'ouverture acoustique de l'orchestre. J'amène
l'écriture, mais il peut arriver beaucoup de choses dans le cadre
des concerts, c'est peu formaté, c'est peu prévisible
malgré l'écriture. Cela se situe ailleurs par rapport
à ce qu'on a l'habitude d'entendre sur un disque. Comme il y
a plusieurs étrangers dans ce groupe, des pays de l'Est, du Japon,
c'est un orchestre un peu nomade. On a voulu traduire cela de cette
façon-là. La pochette a été faite par un
cinéaste, un vidéaste, Jean-Marc Chapoulie qui a traité
l'image de façon très cinématographique, juste
en écoutant la musique.
C'est lui qui m'a proposé de nous inscrire au Concours de La
Défense. Nous y sommes allés, nous avons fait un concert
totalement improvisé, et j'ai eu le prix. Atsushi Sakaï
était dans la catégorie musique classique/orchestre, il
jouait du Dutilleux, du Ligeti. Nous étions au niveau 2, lui
au + 7. C'est ainsi que nous nous sommes connus. C'est aussi notre intérêt
commun pour Omette Coleman qui nous a réunis. Ce groupe, c'est
une utopie. Aujourd'hui, je pense qu'il n'est plus question qu'il y
ait un nouveau génie qui sorte sans bouillir et qui écrive
l'oeuvre qui fera la controverse du XXIe siècle. Par contre,
dans telle ou telle réunion de gens improbables peut sortir un
son qui, s'il se façonne dans le temps. . . De ce groupe est
sorti un son qui n'est pas vraiment définissable. C'est à
moitié électrique, à moitié free sans vraiment
l'être, free cassé. . . Ce groupe tient le coup malgré
tous les problèmes qu'il peut avoir. Il y a un sans-papier dans
le groupe. Les gens ont voté, mal voté le 21 avril, un
musicien du groupe peut être raccompagné à la frontière
d'un jour à l'autre. On a traversé une première
période ensemble, ce qui nous a donné certaines racines
communes dans la pédagogie du Conservatoire. Emil Spanyi venait
d'arriver de Hongrie, il ne parlait pas très bien français.
Au début, on s'est retrouvé sur autre chose que la musique,
que le jazz, on discutait, on parlait de Bartok.
Le groupe a vraiment un son de gens qui jouent ensemble, un son d'orchestre
identifiable sur une musique pas facile. L'écriture est d'ailleurs
difficile, ambitieuse et difficile, avec un certain côté
pop. Ce qui fait que les concerts se passent souvent très bien
parce qu'il y a un recul, un second degré. Le fait qu'un groupe
tienne, c'est souvent parce que chaque élément, apporte
sa pierre à l'édifice. C'est avant tout un collectif,
ce nétait pas une bonne idée de l'appeler Moniomania,
on devait choisir un nom de groupe en vitesse avant un concert. Aujourd'hui,
il a un peu moins lieu d'être. Peut-être va-t-on l'appeler
« Princesse fragile ». Aujourd'hui, chacun apporte
ses idées, beaucoup plus qu'au moment de la création,
par exemple Emil avec ses sons, ses samples, ses séquences de
synthétiseur, d'ordinateur. Nous nous trouvons hors des cadres
d'un circuit officiel et traditionnel, hors clivages stylistiques. Les
cathédrales esthétiques, les noms que l'on met sur les
gens et sur les choses coupent les ponts possibles entre les uns et
les autres.
« Princesse fragile »
Notre dernière production, " Princesse fragile »,
est un disque un peu cinématographique dans le sens où
ce n'est ni la représentation de trois jours en studio ni la
photographie d'un concert. On a essayé de trouver de l'objectif
en étant le plus subjectif possible et partial en prenant des
bouts de concert, en faisant des montages.
Décalage oreille
Dans les petits textes de la pochette du disque, je parle de décalage
oreille parce que c'est pétri de références et
d'hommages qui ne sont pas toujours formulés. On doit pouvoir
les saisir au bout de plusieurs lectures, de plusieurs écoutes.
On est fait de ce qu'on a mangé. Aujourd'hui, faire de la musique
dite de création, de composition, cela me paraît personnellement
déplacé. J'amène un bout de papier, il Sun Ra,
il sonnera différemment joué par les mêmes musiciens,
aujourd'hui, à midi et à quatorze heures. Il y aura peut-être
un contresens dans l'interprétation du petit bout d'ceuvre. Je
ne me sens pas assez compositeur au sens premier du terme. C'est aussi
pour cela qu'il y a beaucoup de morceaux cosignés, beaucoup de
références culturelles dans tous ces morceaux. S'y trouvent
celles qui ont jalonné nos parcours, le mien comme celui des
membres du groupe, le batteur Denis Charolles, le pianiste Emil Spanyi,
le violoncelliste Atsushi Sakaï, le guitariste Manu Codjia et les
trombonistes Gueorgui Komazov et Daniel Zimmermann. Ces références
culturelles, ces musiques sont multiples. Il y a, j'espère, un
fil très fin, invisible à l'ceil nu, c'est une espèce
de « slavitude », une couleur de l'Est, pas balkanique,
plus loin, plus à l'Est. Dans ce qui est rythmique, il y a pas
mal de choses mineures, pas dans le sens mineur de fond, mais dans le
sens des chansons slaves. Il y a un travail sur le rythme, il y a un
seul morceau qui est à quatre temps, tout le reste est sur des
mesures plus ou moins impaires. Ma mère est originaire d'Ukraine,
Emil est de Budapest, Gueorgui de Sofia. Si on a un axe géographique,
on est à l'Est, ce qui permet de ne pas être trop à
l'Ouest. . . Autre référence: le reggae, car le troisième
titre du disque, « Desafinado », de Tom Jobim est traité
un peu façon reggae. J'ai fait beaucoup de reggae avant même
de creuser les musiques improvisées, plus improbables. Autre
référence, enfin: le rock avec Frank Zappa, Captain Beefheart
et peut-être Led Zeppelin.
Ornette
Coleman, Tom Jobim, Louis Amstrong, Lester Bowie &Archie Shepp
Du côté des références jazz, il y a un hommage
à Ornette dans le disque, « Scandale/(S) Omette ».
Omette a été mon mentor, mon père musical pendant
très longtemps. Il y a évidemment le saxophone alto, le
son, le message quasi uniquement pacifiste de sa musique; c'est une
musique de paix intense. J'ai d'ailleurs du mal à retrouver ça
ailleurs, parfois dans les ragas de la musique indienne. Il y a chez
Omette ce paradoxe de l'instrument transpositeur. Tant bien que mal,
j'adapte mon oreille. J'ai arrêté le soprano parce que
c'était en si bémol. Omette a trouvé une réponse
toute simple et assez naïve : un do est un do, si cela peut être
do, c'est que cela va peut-être avec le do d'un autre instrument
même si cela n'est pas la même fréquence à
l'oreille. Du coup, il y a une dua-lité, un paradoxe : on se
trouve à jouer les « mêmes notes », mais des
choses absolument parallèles, absolument différentes et
pleines de dissonances. Dans son disque « Tone dialing »,
un guitariste jouait le premier Prélude de Bach comme une espèce
d'examen de fin d'année de l'école de musique de Plougastel,
c'est rigolo. Et l'orchestre joue à côté quelque
chose d'absolument parallèle. C'est une question de culture,
d'écoute, cela ne m'a pas choqué, au contraire, j'ai trouvé
là certaines réponses à la question « Pourquoi
suis-je obligé de faire une autre note pour aller avec l'autre
note du piano ? ». Sur ce titre du disque, « Scandale/(S)
Ornette », le terreau de base, c'est un duo piano-saxophone. On
entend le violoncelle derrière qui n'est pas du tout avec nous,
qui est dans ce même rapport, qui joue en fait la Sonate d'Henri
Dutilleux. C'est donc vraiment un hommage direct.à Omette, en
référence directe à« Tone dialing »,
avec le Prélude de Bach. Il y a aussi un hommage à Louis
Armstrong et à Kid Ory, « La promenade du rat musqué
». C'est un morceau où il y a dix trombones qui jouent
en même temps, on joue tous du trombone. C'est une espèce
d'hommage détourné aux improvisations collectives du New
Orleans, des marching bands. Autre référence, celle à
Tom Jobim avec une interprétation de « Desafinado ».
J'ai rarement entendu autant de mélodies aussi belles que celles
de Jobim, c'est magnifique. Il y a son disque avec Stan Getz qui est
fantastique, vraiment merveilleux. Il y a la recherche d'une adaptation
de quelque chose de presque sacré parce qu'on le rend sacré,
mais, finalement, c'est aussi un territoire à creuser.
Avec la Compagnie
des musiques à ouïr, nous avions repris « The girl
from Ipanema ». Je pense à Lester Bowie qui a repris du
Michael Jackson, mais aussi à Archie Shepp qui, dans «
Fire Music », adonné une version absolument incroyable
de « The girl from Ipanema ».
Les références se trouvent là, plutôt que
du côté de Sun Ra qui, malgré tout, est un orchestre
cecuménique. Les références se trouvent plus du
côté de Lester Bowie ou d'Archie Shepp, dans leur façon
de se réapproprier une culture tout en la faisant sienne: recréer
une tradition du jazz qui a été depuis le début
en passant par le bebop, l'adaptation de ce qui se trouvait autour de
soi. C'est se servir de quelque chose un petit peu limité artistiquement
ou esthétiquement autour de soi et de le creuser, de le façonner,
d'en faire un travail qui ne fait pas seulement référence
à la musique, mais aussi à la sculpture, à la peinture.
C'est aussi visuel qu'auditif. Le rendu est un morceau de musique, mais
son façonnage n'est pas seulement musical, architectural peut-être.
»
Propos recueillis
par Franck Médioni
Disque « Princesse fragile » de Moniomania
(Quoi de Neuf Docteur / Night & Day). |
Enfant terrible du jazz français, Christophe Monniot est un électron
libre survolté.
Révélé
par Daniel Humair, ce surdoué du saxophone sest déjà
illustré dans la Campagnie des Musiques à Ouïr, un
trio monumental qui allie virtuosité, ingéniosité
et pure déconne.
Cette fois,
Christophe Monniot, a réuni autour de lui une formation originale
: un milk-shake de six personnalités aux cultures différentes
(parmi lesquelles on retrouve Denis Charolles, le batteur fou de la
Campagnie) qui mélange les rythmes et malaxe les sons jusquà
trouver lalchimie parfaite, mais fragile, sur le fil de limprovisation.
Les sax syncopés
se télescopent avec des guitares fracassantes sur des boucles
techno. Par moment surréaliste, le groupe virevolte dun
bout à lautre du monde de la musique pour en extraire le
meilleur.
Moniomania est donc un sextette funambule au jazz, non conventionnel
mais haut en couleurs, comme en témoignent les 12 morceaux présents
sur lalbum, enregistrés live ou en studio.Témoignages
dune musique vivante où limprovisation et invention
riment avec ébullition, Princesse Fragile est un Objet Musical
Non Identifié. Comme dans les films de Cronenberg, on est pas
certain de tout comprendre mais on adore demblée
et
on se le repasse sans fin. Jouissif.
Auteur : Eric
Nahon < eric.nahon@paunet.net > |